
Depuis mon plus jeune âge, j’aime le bois. Dans ma campagne morvandelle, on vivait avec le bois. Il était une composante incontournable de notre vie quotidienne. Tous les hivers, on coupait du bois pour les années suivantes. Quand je dis couper, comprenez exploiter. On se voyait attribuer une parcelle de forêt (chêne, châtaignier, noisetier, acacia…) à côté de l’exploitation agricole et on avait à charge de couper les gros arbres et de laisser ensuite se développer les plus petits qui feraient l’objet d’une coupe plusieurs années plus tard. Du coup, aucune surface boisée ne disparaissait. La forêt était entretenue !

Ces stères de bois coupé, que du feuillu, étaient ensuite stockés pour séchage et destinés à plusieurs usages :
– Bois de chauffage. Bien entendu, dans notre campagne boisée, on se chauffait… au bois !
– Piquets de clôtures. Dans les années soixante, les seules clotûres « artificielles » étaient constituées de 4 ou 5 rangs de fils barbelés tenus tous les 4 ou 5 mètres par des piquets de bois (en général de l’acacia réputé imputrescible).
– Gros et moyens diamètres. Destinés à fabriquer les échelles, les barrières, rateliers…
– Petits piquets ou autres. Pour réaliser les tâches de jardinage (rames pour haricots, piquets de tomates…), les manches des outils à main…
Bref, rien ne se perdait, rien ne disparaissait, tout se renouvelait. Nous faisions de l’écologie bien avant l’heure.
Préserver les haies naturelles grâce au « piéchage »
Par ailleurs, nous attachions beaucoup d’importance à la préservation des haies naturelles. Nos troupeaux (vaches et moutons) appréciaient énormément se mettre à l’abri de ces protections naturelles en cas de mauvais temps ou de fort soleil. Il était donc essentiel de les entretenir et de les conserver.
Pour cela une technique ancestrale : le plessage. Plesser signifie entrelacer les branches d’une haie. « Plécher ou piécher en patois », un dérivé de plier (ployer, fléchir, courber) veut dire coucher des tiges, des branches d’arbres pour former des clôtures.
Les pléchies sont assurément les haies les plus anciennes. La technique du plessage a semble-t-il été pratiquée partout où la haie était utilisée pour le pacage des animaux domestiques, le côté naturellement défensif des épineux étant renforcé par le tressage des végétaux.
Les techniques étaient cependant différentes d’une région à l’autre et elles variaient également en fonction des essences travaillées : chêne et noisetier dans le Morvan, hêtre en Normandie, aubépines et prunellier en Flandres et Avesnois…

Si le plessage avait pour objectif premier de régénérer et de densifier une vieille haie, il était aussi un moyen de récolter du bois de chauffage. En France, cette coutume a perduré dans certaines régions jusqu’aux années 1960.
Le but recherché dans une opération de plessage est d’obtenir, à partir d’une haie ayant perdu son efficacité en tant que limite infranchissable, une nouvelle clôture homogène, bien fournie depuis la base et dont les branches, travaillées comme une vannerie forment un obstacle pour les animaux domestiques, même les plus petits (chèvres, moutons…).
Un travail pour se réchauffer l’hiver
Le plessage se pratique pendant la période hivernale, d’octobre à avril. J’ai le souvenir de journées d’hiver bien actives où c’était un bonheur de piécher les haies à la chaleur d’un grand feu alimenté par les résidus de bois. L’opération de plessage se fait en plusieurs étapes :
Dans le Morvan, on prépare le plessage en taillant des pieux de chêne, d’acacia ou de châtaignier. Ces pieux serviront de support aux « playons » en patois (jeune tige ou branche d’arbre qui a été couchée vive pour la clôture) lorsque l’intervalle est trop espacé à cause du manque de végétation.

La haie brute est ensuite « dépaissie » si sa densité est trop importante. Toutes les essences rencontrées habituellement dans les haies se prêtent au plessage. On éliminera cependant les sureaux ainsi que les frênes jugés trop dynamiques de même que les arbres trop âgés, le bois mort, les ronces, les lianes et les buissons.
Les épineux tels le prunellier ou l’aubépine subissent sans dommage le « pliage » et repartent avec vigueur, ils forment des clôtures défensives extrêmement efficaces. Le charme, le chêne, l’érable champêtre cicatrisent bien quand la plaie de taille est nette.
Les bois restant « les playons » seront laissés à intervalle régulier. Ils seront légèrement entaillés en sifflet pour permettre de les courber et les entrelacer entre les pieux. Ils doivent bien évidemment toujours être alimentés en sève.
Ils seront ensuite attachés ensemble avec des « rouettes » (lien végétal en chêne ou en saule de préférence, en noisetier, en bouleau ou en osier qui se fabrique en maintenant au sol la brindille avec son pied et en la tortillant jusqu’à faire à l’autre extrémité une sorte de nœud coulant qui permettra de nouer les « playons » entre eux.
Une haie correctement tressée devra être entretenue sur un rythme de 5 à 9 ans.
Photos Arnaud Deflorenne – www.haielementerre.fr
Source : http://galvachers.eklablog.com
3 réponses
Super!
Merci pour les explications
Je suis un normand qui vit dans le Finistère et je cherchais ce genre de renseignements depuis un moment.
Tient donc un Morvandiau dans le 26, Bein oui qu’naux haies sont tchou bein jolies. En plus Motard avec un Tube, respect
Belle présentation
Jacqouille du 89
Bonjour Jacqouille,
Merci pour le commentaire bien sympa.
Cordialement,
GG